La France est-elle une «Start-up Nation» ?

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Profitant du Brexit, l’Hexagone pourrait devenir le premier territoire européen pour les jeunes entreprises

La Halle Freyssinet et ses trois nefs a été bâtie par Eugène Freyssinet entre 1927 et 1929, pour servir au fret ferroviaire. Aujourd'hui, elle se transforme en station F, big pôle numérique de Xavier Niel.

A l’instar des modèles du genre que sont les Etats-Unis ou Israël, la France est-elle devenue une «Start-up Nation» ? Emmanuel Macron a eu beau le claironner lors du récent salon Viva Technology, la très aléatoire croissance de la French Tech reste un phénomène difficile à mesurer.

Ce slogan est fait pour sonner agréablement à l’oreille des investisseurs. Ses effets sont difficiles à quantifier dans les classements internationaux. D’autant plus que l’impact des nouvelles technologies dépasse désormais, et de loin, le seul secteur «chimiquement pur» des spécialistes du numérique.

Il n’empêche que dans la compétition pour le titre envié de «capitale européenne des start-up», Paris a clairement marqué de nouveaux points. A l’échelle mondiale, la Silicon Valley californienne reste hors catégorie, en concentrant à elle seule plus d’un quart des investissements mondiaux du secteur.

Jusqu’en 2015, Paris restait nettement derrière Londres et Berlin. Mais les positions ont bougé et la France est passée devant l’Allemagne. «Nous ne disposons pas de chiffres sur le nombre actuel exact de start-up en France», réagit Paul-François Fournier, directeur de l’omniprésente Banque publique d’investissement (BPI) que l’on retrouve dans une majorité des apports financiers des start-up. «Mais on peut affirmer sans se tromper que le nombre de ces entreprises centrées sur l’innovation et leurs levées de fonds doublent au minimum tous les trois ans.» En 2016, la BPI aura financé 3 600 start-up contre 1 600 en 2013, et la France compte aujourd’hui 200 fonds d’investissement, contre 100 en Allemagne.

«Dynamique». D’après le classement établi début 2017 par la société de conseil en placements financiers Clipperton, la France reste derrière le Royaume-Uni, mais c’est le pays qui connaît la plus forte croissance en Europe. En 2016, le Royaume-Uni, dont la capitale était devenue avant le Brexit la première place financière mondiale, arrive en tête avec environ 3,6 milliards d’euros d’investissements (+ 9 %), suivi par la France avec 2,3 milliards (+ 22 %) et l’Allemagne (2,6 milliards, +5 %).

«Si cette dynamique se poursuit, on sera leaders dans trois ans et les incertitudes sur le Brexit pourraient y aider, juge Paul-François Fournier. L’autre caractéristique, c’est que cette croissance est bien mieux répartie sur l’ensemble du territoire qu’elle ne l’est outre-Manche, où le Grand Londres reste un territoire hors normes comparé au reste du pays.» Les investissements en régions ont représenté 60 % des enveloppes de la BPI en 2016, et les deux plus grosses levées de fonds l’an dernier ont concerné l’hébergeur lillois spécialiste du stockage OVH (245 millions d’euros) et le toulousain Sigfox (118 millions).

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Codirecteur général de l’agence de développement Paris & Co, Loïc Dosseur affirme, lui, que «la place parisienne a dépassé la place londonienne en 2016. On assiste à une augmentation des flux de start-up dans la métropole». Selon un classement du World Economic Forum, Paris émargerait même en troisième position mondiale derrière San Francisco et New York.

En octobre 2016, l’agence d’urbanisme de la capitale Apur a tenté d’établir le poids de l’économie de l’innovation dans la métropole parisienne, qui se situe désormais au troisième rang des employeurs derrière la finance et le tourisme.

«Intimistes».«En 2016, plus de 110 incubateurs, pépinières ou accélérateurs ont été recensés dans la métropole dont les trois quarts créés après 2010. Près de 90 espaces de coworking sont apparus depuis et plus de 45 ateliers de fabrication numérique ont vu le jour récemment», écrit l’Apur. Entre le Cargo (XIXe arrondissement de Paris) qui offre 15 000 m² et «une myriade de lieux petits et plus intimistes», selon l’expression de Loïc Dosseur, on voit «un foisonnement incroyable de propositions pour des gens qui entreprennent». Un entrepreneuriat en train de devenir un débouché comme un autre à la sortie des études. Par choix.

Par : Christophe Alix , Sibylle Vincendon (Liberation)